Le tryptique MVA aussi en géométrie

Le tryptique « Manipuler Verbaliser Abstraire » en géométrie nécessite de s’interroger particulièrement sur :

  • Les enjeux des activités de manipulation
  • Le rôle du langage dans l’enseignement de la géométrie
  1. Les enjeux des activités de manipulation

L’enseignement de la géométrie s’appuie très largement sur un travail portant sur des dessins, à travers des activités de construction, de reproduction ou de description, l’objectif étant de construire des savoirs portant sur des objets géométriques théoriques, leurs relations et propriétés.

Il apparaît alors fondamental de conduire ces activités avec comme principal objectif de modifier le rapport des élèves aux dessins en apprenant à analyser, interpréter, traiter géométriquement des dessins.

  • Quelle distinction fait-on entre dessin et figure[1] ? 

Un dessin est un objet matériel que l’on peut regarder, analyser à l’aide d’instruments, reproduire, construire… Ces dessins peuvent être des tracés sur une feuille de papier ou sur un écran d’ordinateur ou des formes géométriques, en bois ou en plastique constituant des objets de travail courants.Une figure est un objet mathématique, théorique dont le dessin est une représentation.

– Pour l’enseignant, il est important d’avoir à l’esprit cette distinction car elle permet de garder en tête que la notion de figure est une construction intellectuelle progressive.

  • La géométrie, une manière spécifique de voir les dessins

Selon R. Duval, il existe une pluralité de manières possibles de voir les dessins.  Un dessin a une interprétation perceptive immédiate et quasi-automatique, mais celle-ci diverge de l’interprétation géométrique.

Porter un regard géométrique sur les dessins et identifier les objets et relations géométriques qu’ils représentent, c’est amener les élèves à passer d’un regard centré sur les surfaces et leurs contours à un regard qui fait apparaitre le réseau de droites et de points sous–jacent aux différentes figures étudiées à l’école. 

En effet, on distingue 3 types de vision :

–  La vision naturelle dite vision « surfaces ou D2 » : la perception spontanée des dessins est guidée par la discrimination de formes ou surfaces ou un assemblage de surfaces juxtaposées.  Des lignes et des points peuvent apparaître mais les lignes sont seulement des bords de surfaces, les points sont des sommets de surfaces ou des intersections de bords.

Les couleurs, l’orientation, la taille sont des valeurs sûres sur lesquelles on s’appuie pour établir des liens de ressemblance ou des relations d’ordre entre dessins.

L’interprétation géométrique des dessins s’appuie sur une manière bien différente de voir ces dessins.[2] 

–  Vision « lignes » :  la figure est constituée de lignes qui peuvent se tracer avec des instruments où les points sont des extrémités de lignes ou des intersections de lignes qu’on a déjà.

–  Vision « points » : on peut créer des points par intersection de deux lignes et les points peuvent définir des lignes ; la caractérisation des objets géométriques s’appuie ici sur une prise en compte de propriétés portant sur des bords de surfaces (égalités de longueurs de côtés), des coins (angles droits), voire des lignes et des points (cercle comme une ligne, puis comme ensemble de points, à équidistance d’un centre par exemple).

2. Le langage pensé sous trois angles[3]

On pense souvent qu’enseigner la géométrie, c’est avant tout enseigner un lexique spécifique. Or, le langage doit être envisagé sous plusieurs formes.

  • Le langage comme objet d’étude

Les pratiques langagières des mathématiciens sont spécifiques et complexes. Elles mêlent de façon profonde des usages courants de la langue française, et le formalisme mathématique. Les élèves découvrent en même temps les objets mathématiques à étudier (leurs définitions, leurs propriétés, les preuves de ces propriétés, les problèmes auxquels ils permettent de répondre, etc.) et la façon d’en parler.  La façon de dire les mathématiques doit faire l’objet d’une attention particulière pour l’enseignant. Elle fait l’objet d’activités explicites en classe en lien avec le contenu.

  • Le langage : un moyen d’apprentissage

L’élaboration d’un concept et les pratiques langagières qui y sont associées sont deux processus indissociables qui s’alimentent mutuellement dans le cadre d’un apprentissage. La question de l’appropriation d’un nouveau concept n’est pas dissociable de l’appropriation des pratiques langagières qui lui sont associées.

  • Le langage : un outil pour enseigner

Le langage est aussi un levier d’enseignement. La parole de l’élève, ses formulations, sont autant d’indices de son activité, de son appropriation des concepts en jeu, de son apprentissage. Le langage est un outil de pilotage : faire formuler, faire reformuler les élèves, les faire échanger entre eux, c’est les faire penser, les faire penser autrement, faire évoluer leurs conceptions, ce qui est crucial en géométrie.

[1] Arsac (1989), Parsysz (1989), Laborde et Capponi (1994), Chaachoua (1997)

[2] Bulf Caroline, Mathé Anne-Cécile, « Agir-parler-penser en géométrie, un point de vue sémiotique sur l’enseignement et l’apprentissage de la géométrie à l’école primaire », Actes du 44e colloque de la Copirelem (Epinal Juin 2017), 29-56, 2017.

[3] Ressource eduscol Mathématiques et maitrise de la langue