Un rôle essentiel dans les apprentissages mathématiques

Les mathématiques sont des sciences. Qui dit sciences dit recherches et les chercheurs présentent leurs recherches à leurs pairs qui, par leurs analyses, valideront ou non les résultats obtenus. C’est au cœur de l’activité mathématique.

D’un point de vue pédagogique, la mise en commun  est une étape primordiale. Elle joue un rôle essentiel dans l’acquisition des savoirs  par les élèves. En effet, elle est à la fois l’aboutissement des phases de recherche (synthèse) et la préparation de la phase d’institutionnalisation, c’est-à-dire la formalisation des savoirs.

  1. Différentes fonctions, différentes validations

La mise en commun est souvent crainte et dite « à risque » car elle correspond à ce que Guy Brousseau appelle la « dévolution »[1] c’est-à-dire l’acte par lequel l’enseignant fait accepter à l’élève la responsabilité d’une situation d’apprentissage […] et accepte lui-même les conséquences de ce transfert.

L’objectif de la mise en commun est de confier la responsabilité de la validation aux élèves (et non la correction). Cette validation vise « à leur permettre d’établir progressivement un rapport personnel aux mathématiques : c’est à eux de déterminer si un résultat, une proposition, un raisonnement est juste ou faux et pourquoi. »[2]

La mise en commun a différentes fonctions :

  • Permettre aux élèves d’identifier les contraintes d’un problème (ex : les trois nombres cherchés doivent se suivre et leur somme doit être égale au nombre donné) mais aussi d’améliorer la gestion de leurs essais.

La validation par les élèves porte sur la mise en valeur des procédures personnelles, sans chercher l’institutionnalisation d’une démarche experte.

  • Prendre conscience de la nécessité d’une justification par la preuve, de sortir d’un constat d’impossibilité, de montrer l’insuffisance d’une propriété vraie ou le rôle du contre-exemple.

La validation par les élèves porte sur les caractéristiques de la preuve : il s’agit d’une mise en valeur d’un raisonnement.

  • Permettre de formuler une propriété générale, au-delà des exemples et la justifier.

La validation par les élèves porte sur « l’objet » mathématique : il s’agit d’une mise en valeur d’une connaissance.

Le but de la mise en commun n’est pas simplement de faire expliciter les procédures, afin que les élèves en perçoivent la variété mais de porter un jugement selon différents critères : l’adéquation d’un modèle, l’efficacité ou l’économie pour des méthodes, la vérité pour le jugement de propositions.


[1] Guy Brousseau, le cycle des situations

[2] J. Douaire et C.Hubert, « Mise en commun et argumentation en mathématiques » – Grand N, n° 68 – 2001

2. Un moment d’échanges et de mise à distance : phase déterminante dans la construction du savoir

La mise en commun peut utiliser plusieurs supports (mise en commun orale, partiellement écrite, iconique, gestuelle) à des fins de communication. A ce titre, l’application Math Learning Center permet d’empiler les mêmes productions et de garder une trace de cette mise en commun.

Par la formulation de ses productions, la mise en commun permet à l’élève d’analyser ses propres résultats, d’expliciter ses procédures, de prendre conscience de certaines erreurs et ainsi entrer dans un processus de contrôle. Il peut comprendre comment améliorer sa stratégie lors de l’exposé d’autres camarades qui ont alors pu résoudre partiellement des difficultés qu’il a lui-même rencontrées.

La mise en commun amène à reformuler des méthodes présentées par d’autres pour comprendre ce en quoi elles sont éventuellement plus performantes que les siennes ; elle  suscite la critique en s’interrogeant sur la pertinence ou la mise en œuvre de certaines procédures. L’exigence de précision dans les formulations conduit aussi à revenir sur des connaissances antérieures. 

Les échanges peuvent relever de :

  • L’explication : comment j’ai fait (la compréhension des données, l’utilisation des connaissances partagées, explicitation). Il ne s’agit pas de s’exprimer en termes de vérité.
  • L’argumentation[1] : pourquoi j’ai fait (critique, contre-exemple, vérité insuffisante, exhaustivité) = justesse et inexactitude de proposition. L’émergence et la reconnaissance de preuves est un processus auquel va adhérer la communauté que forme la classe, selon des critères qui sont ceux de la communauté scientifique.

La verbalisation lors de ces échanges est une étape cruciale vers l’abstraction. Ce postulat vient d’ailleurs d’être réaffirmé dans le guide mathématique CP (collection Orange)[2]. Pour être efficiente, cette verbalisation doit cependant être encadrée.

3. Points de vigilance

  • Nécessité d’un enjeu lisible et claire. La prise de conscience de cet enjeu permet de distinguer mise en commun et correction.

Correction : L’objectif est l’émergence de LA réponse. Ce temps privilégie l’écrit, se centre sur la démarche unique dont chacun doit se rapprocher le plus possible

Mise en commun : L’objectif est d’inventorier, de comparer. Ce temps privilégie l’oral, ne se centre pas, ouvre sur différents possibles

  • Nécessité de prendre le temps d’analyser les productions avant la mise en commun.
  • Nécessité de fixer un objectif à la mise en commun
  • Le statut du maître se trouve modifié :  il n’est plus le distributeur du savoir, il devient passeur. Il doit aider à découvrir les chemins d’accès à la connaissance.
  • Les élèves ne sont enfin pas que spectateurs de la mise en commun mais aussi acteurs avec des actions à réaliser qui peuvent être formalisées dans une grille de critères de réussite par exemple.

[1] J. Douaire et C.Hubert, « Mise en commun et argumentation en mathématiques » – Grand N, n° 68 – 2001

[2] https://eduscol.education.fr/1486/apprentissages-au-cp-et-au-ce1    Pages 83-84