Dans l’inconscient collectif, on oppose souvent les mathématiques et le français. Pourtant, il existe un véritable lien entre eux et ce depuis très longtemps comme en témoignent les œuvres poétiques telles que la Pléïade. Plus récemment le 20ème siècle a vu se développer des courants littéraires se réclamant ouvertement de structures mathématiques comme l’Oulipo. Et comme nous le rappelle Michel Guibert professeur de Mathématiques au lycée Monnet de Montpellier, les maths inspirent même des romanciers, comme Denis Guedj et son “Théorème du perroquet »[1].  

A l’heure actuelle, les albums de jeunesse fourmillent de références mathématiques et les projets alliant maths et littérature commencent à voir le jour notamment dans le secondaire.

Il nous est donc apparu incontournable de voir dans quelles mesures ces albums avaient leur place dans les apprentissages mathématiques.

  1. Pourquoi utiliser des albums dans les apprentissages en mathématiques ?

Tout d’abord, il s’agit d’un support plus motivant pour certaines activités d’entraînement (dénombrement en particulier) et pour construire certains apprentissages (classement, rangement, tableaux, …).

Les albums permettent aussi de proposer aux élèves des situations dans lesquelles ils pourront faire fonctionner des savoirs mathématiques déjà rencontrés (autour du nombre, en géométrie, dans le domaine de la logique) et matérialiser une réalité mathématique dans leur quotidien. 

 Didier Pastor CPC Cahors 1 – Mars 2011

Toutefois, pour Pierre Eysseric[2] (formateur en maths à l’INSPE d’Aix-Marseille), il est important d’éviter de raccrocher de façon complètement artificielle un exercice de mathématiques à un album et d’exclure tout systématisme abusif.

Nous pouvons distinguer deux sortes d’albums :

– les albums « mathématiques » c’est-à-dire ceux qui ont été réalisés avec des ingrédients mathématiques.

→ Il s’agit en général de ceux conçus autour des nombres (les albums à compter qui invitent l’enfant à dénombrer des collections diverses ou à calculer, qui tentent de mettre en évidence des relations existant entre différents nombres). Pour Dominique Valentin[3], tous les albums « mathématiques » ne sont pas à utiliser avec les élèves pour faire des mathématiques. En effet, certains peuvent même engendrer des confusions chez les élèves pour mettre en place des concepts : on peut y trouver une distinction nombre/chiffre pas toujours claire, une utilisation abusive de symboles en cycle 1 ou encore des confusions entre les nombres et leur désignation.

→ Il s’agit aussi souvent de ceux autour des figures géométriques (comme par exemple, dans la collection « Pong à… » avec des personnages dessinés avec des pièces du Tangram).

– les albums « ordinaires » c’est-à-dire ceux généralement conçus sans intention didactique annoncée en mathématiques. Une analyse fine avec un regard « d’expert en mathématiques » sera alors nécessaire pour permettre de découvrir des liens possibles:

→ les illustrations et le texte peuvent conduire le lecteur à des activités de dénombrements,

→ des motifs géométriques sont utilisés pour l’illustration,

→ le texte peut utiliser un vocabulaire lié à l’orientation, à la topologie c’est-à-dire à l’étude des propriétés des objets ou à la géométrie,

→ l’histoire racontée peut être à l’origine d’activités de classement ou de rangement.

2. Comment utiliser des albums dans une séquence d’apprentissage en mathématiques ?

Quand utiliser des albums ?

                                                                        Véronique Pellissier – Evelyne Touchard

Comment exploiter les albums « ordinaires » en classe?

Une fois effectué le travail de repérage des « éléments mathématiques » contenus dans le texte et/ou dans les illustrations des albums, que peut-on en faire dans une classe? Quel intérêt y a t- il à faire cette analyse mathématique d’albums qui, d’une part ont été écrits à priori pour un usage familial et non scolaire, et d’autre part n’ont pas été pensés pour être reliés à des mathématiques?

-Par une approche culturelle : mettre à disposition des élèves en classe un environnement « riche en mathématiques » proposant une variété d’albums. Le coin maths (notamment proposé par la méthode MHM) ou le Labomaths (préconisé par une des 21 mesures du plan Villani-Torrossian) doit être enrichi d’albums pour susciter la curiosité mathématique des élèves.

– Par une intégration dans la séquence de mathématiques : utiliser l’album comme réel support d’apprentissagemais on veillera à ne pas limiter l’album aux apprentissages mathématiques car il ne s’agit pas de sa vocation première.

– Par le travail sur les représentations autour de l’album : proposer aux élèves d’inventer leurs propres symboles pour raconter une histoire en images (codage) ou être capable de décrypter les symboles de quelqu’un d’autre pour lire une histoire (décodage). Cf les contes classiques illustrés (codés) par Warja Lavater chez Maeght Editeur (« Le petit chaperon rouge », « Le petit Poucet », …) et une exploitation possible proposée par la circonscription de Gex-Sud. https://gex-sud.circo.ac-lyon.fr/spip/spip.php?article98

– Par une utilisation de la structure de l’album : à partir de la répétition presque à l’identique du même événement, utiliser les mathématiques comme outil au service de la lecture et de la compréhension de l’album.

– Par une réalisation d’albums mathématiques avec les élèves : réaliser un album des nombres (cf Vers les Maths GS Edition Accès ou réaliser un livre à compter MS-GS Edition Retz), un album de comptines, un album codé, …


[1] http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/10/13102015Article635803184654071295.aspx

[2] Albums, contes et mathématiques – Pierre Eysseric – Aix-Marseille

[3] Dominique Valentin – Grand N » nº52 pp.11-21, 1992-1993