Le recours aux jeux dans les classes n’est pas nouveau et les neurosciences ont démontré depuis plusieurs années que le jeu est un booster d’engagement pour l’apprenant, que bouger et s’appuyer sur plusieurs sens (toucher, odorat, visuel, …) dynamisent le cerveau et accélèrent l’apprentissage.

L’offre d’escape games ne cesse de croitre depuis plusieurs années dans notre société à tel point qu’elle a aussi intégré les bancs de l’école. Au-delà de l’engouement, la pratique d’escape games présente un réel intérêt pédagogique.

  1. Escape game : un jeu sérieux éducatif au profit d’une pédagogie active

Le jeu se définit comme une expérience ludique, parfois organisée de manière libre, individuellement ou entre pairs, et parfois organisée avec des règles créées de manière intentionnelle ou non. Il constitue un appui efficace et pertinent pour poser les fondations sur lesquelles s’appuieront ultérieurement d’autres apprentissages (« jouer et apprendre en maternelle »  https://eduscol.education.fr/120/jouer-et-apprendre).

Parmi ces jeux, certains ont été conçus avec une double intention qui combine l’intention ludique et l’intention pédagogique. L’intention pédagogique vise à prévoir, orienter et faciliter les apprentissages en intégrant des objectifs qui devraient pouvoir être atteints à l’issue du jeu. Ces jeux sont couramment dénommés jeux sérieux éducatifs (JSÉ).

L’escape game est un jeu d’évasion, « un jeu joué par une équipe de personnes qui doivent s’échapper d’une salle remplie de défis dans un délai donné. Pour gagner (“s’échapper”), les joueurs doivent résoudre les défis contenus dans la salle. Au début du jeu, les défis peuvent être inaccessibles et doivent être trouvés en résolvant des énigmes. […] Dans certaines itérations du genre, une évasion n’est même pas nécessaire. »[1]

Dans un cadre pédagogique, il est considéré comme un jeu éducatif sérieux. Son utilisation présente plusieurs intérêts : « le jeu propose une structuration des connaissances en différents espaces ou modules, tout en exigeant d’effectuer plusieurs tâches en parallèle. Le jeu permet aussi d’utiliser le cerveau à plusieurs niveaux en même temps via des fonctions indépendantes les unes des autres sans pour autant provoquer de fatigue. Enfin, si le jeu favorise le développement cérébral, c’est aussi et surtout parce qu’il s’appuie sur nos émotions et nos actions (approche comportementale) et qu’il est vecteur de dopamine. Il génère par conséquent du plaisir, ainsi que de l’addiction »[2].

De plus, l’escape game pédagogique fait appel aux ressorts des pédagogies actives.

En effet, la pédagogie active désigne un ensemble de méthodes pédagogiques qui ont toutes en commun la volonté de rendre l’élève acteur de ses apprentissages. Ce type de pédagogie part du principe que c’est en faisant que l’on apprend. Elle privilégie les situations authentiques de recherche, d’investigation au cours desquels l’élève doit comprendre et maitriser les différentes ressources que l’enseignant met à sa disposition.

Les pédagogies actives s’appuient sur 4 postulats :

  • L’apprentissage expérientiel : on apprend par l’expérience pratique, pas seulement dans un contexte académique
  • L’apprentissage collaboratif :  on apprend mieux avec les autres
  • L’apprentissage par problème : on apprend mieux quand on rencontre un problème particulier
  • L’apprentissage par projet : on apprend mieux quand on est impliqué dans un projet particulier.

Par la mise en situation et l’expérience vécue, l’escape game permet d’agir sur la motivation, s’appuie sur des temps individuels et collectifs (coopération et collaboration) et constitue un vecteur d’apprentissages renforcés.

De manière générale, on parle alors de gamification ou ludification voire de ludicisation. D’après Sanchez, Young, et Jouneau-Sion dans Classcraft : de la gamification à la ludicisation : « Gamification est parfois traduit en français par ludification alors même que ce terme est également employé en anglais pour désigner la diffusion du jeu dans la culture… (…) Ainsi, en s’appuyant sur Henriot, Genvo propose le terme ludicisation pour insister non pas sur le jeu-game, l’artefact qui est utilisé pour jouer, mais les interactions qui se mettent en place lorsqu’il accepte de jouer. (…)

2. L’escape game et les 4 piliers de l’apprentissage (S. Dehaene)

a) L’attention et l’engagement actif

« Apprendre efficacement, c’est refuser la passivité, s’engager, explorer, générer activement des hypothèses » (S. Dehaene, en 2018 dans Apprendre ).


L’attention est sélective : elle fonctionne comme un filtre qui retient des informations tout en en laissant passer d’autres. Pour retenir de nouvelles connaissances, mieux vaut s’interroger, émettre des hypothèses, éventuellement faire des expériences pour essayer de vraiment comprendre de quoi on parle.

En effet, pour Stanislas Dehaene, rien ne remplace cet effort intellectuel pour ancrer un savoir dans notre cerveau et notre mémoire.

Mihaly Csiksszentmihaly, quant à lui, parle d’un équilibre pédagogique/ludique où le joueur est capable de conserver à la fois un haut niveau de concentration et de motivation. Cet équilibre vise à atteindre une zone d’expérience optimale appelée le Flow.

Pour atteindre l’équilibre souhaité, l’enseignant, dans la phase de conception, doit veiller à permettre l’exploitation des avantages du jeu sans pour autant perdre de vue ses intentions pédagogiques. Il s’agit d’éviter l’écueil du jeu pour le jeu, sans plus-value en termes d’apprentissage.

Par son aspect « actif », son caractère immersif (qu’il soit physique, semi-numérique ou numérique) et temporellement conscrit, le jeu d’évasion captive le participant et l’invite à se concentrer sur cette activité. Les énigmes permettent de canaliser l’attention et la réflexion de l’individu et du groupe sur une tâche ou un ensemble de tâche précis, lié à de la mobilisation ou acquisition de connaissances ou compétences.

b) Le retour d’information et la consolidation

Dans un jeu d’évasion, la résolution de l’énigme ou non présente un retour immédiat au joueur sur la validité de son hypothèse ou de sa démarche, sans forme de jugement.  A ce titre, ce retour immédiat peut être considéré comme une évaluation formative. Ce retour fréquent contribue probablement à l’efficacité des escape game[3] en  donnant un réel statut d’apprentissage à l’erreur.

En outre, le fait que le jeu d’évasion se joue en équipe implique nécessairement de confronter les avis, d’échanger et de débattre sur la méthodologie à adopter pour résoudre une énigme et s’échapper. Le retour d’information peut aussi donc se faire par des membres de l’équipe.

La phase de débriefing joue ensuite un rôle essentiel dans la consolidation. C’est le temps de la réflexion et de la métacognition (connaissance personnelle d’un individu sur ses capacités et ses fonctionnements cognitifs).

 Il ne peut y avoir de réels apprentissages s’ il n’y a pas une décontexualisation des connaissances après une session de jeu, visant à transformer les connaissances subjectives et situées développées au cours du jeu en connaissances objectives et transférables[4].

Cette phase permet donc de mettre en valeur les succès, expliquer les difficultés, y remédier, valoriser les compétences mises en oeuvre par certains et les rôles endossés par chacun. C’est aussi une occasion de tirer les enseignements de la collaboration/coopération, de la stratégie de groupe, de la communication. Il est important de souligner que sans verbalisation lors du débriefing, la prise de conscience par les participants de leurs compétences ne s’opère pas.

Même si le débriefing se fait de manière oral, il est plus efficient de garder des traces (affiche, infographie, carte mentale, questionnaire, témoignage écrit) ou audio (capsule audio, interview) afin que les éléments abordés durant le jeu puissent être repris plus tard et de vérifier le degré d’assimilation des élèves.

Pour aller plus loin, vous pouvez cliquer sur ce lien.


[1] Wiemker, Elumir & Clare, 2015,  Escape Room Games : “Can you transform an unpleasant situation into a pleasant one ?”, p. 2

[2] Kasbi, 2012, Les serious games, une révolution, p. 15

[3] Amadieu et Tricot, en 2014 dans Apprendre avec le numérique

[4] Sanchez & Plumettaz-Sieber, 2019, Teaching and Learning with Escape Games from débriefing to institutionalization of knowledge, p. 3